Document d'enregistrement Universel 2022

6. États Financiers

Le volume global maximal d’ARENH pouvant être cédé en vertu de la loi aux fournisseurs en faisant la demande pour couvrir le besoin de leurs clients finals est fixé par arrêté dans la limite d’un plafond légal. Jusqu’au 31 décembre 2019, ce plafond légal était de 100 TWh par an. Il a ensuite été porté à 150 TWh par la loi Énergie et Climat du 8 novembre 2019.

La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (loi dite MUPPA) du 16 août 2022, réduit le plafond légal à 120 TWh. Cette même loi MUPPA instaure par ailleurs un prix plancher de l’ARENH à 49,5 €/MWh, dont l’application est toutefois conditionnée à un accord préalable de la Commission européenne

Le 13 janvier 2022, le gouvernement français a annoncé des mesures exceptionnelles complémentaires destinées à limiter la hausse des prix de l’électricité pour les consommateurs en  2022. Ces mesures comprennent principalement la mise à disposition par EDF aux fournisseurs éligibles de 20 TWh complémentaires sur la période allant du 1er avril au 31 décembre 2022 au prix de 46,20 €/MWh.

Les modalités de mise en œuvre de cette mesure ont été précisées par un décret du 11 mars 2022 ainsi que par 4 arrêtés. Le décret prévoit que pour bénéficier des volumes additionnels sur la période du 1er avril au 31 décembre 2022 au prix de 46,20  €/MWh, les fournisseurs éligibles devront vendre à EDF un volume équivalent à celui qui leur sera cédé par EDF au titre de cette attribution supplémentaire à un prix de 256,98 €/MWh (moyenne des cotations sur les marchés de gros enregistrées entre les 2 et 23 décembre 2021 du produit base calendaire pour livraison d’électricité en France métropolitaine continentale sur l’année 2022). La CRE alloue les volumes additionnels entre les fournisseurs selon une répartition identique à celle qui avait été retenue au titre de la période de livraison ayant débuté le 1er janvier 2022. En pratique, la CRE a notifié un total de 19,5 TWh d’ARENH additionnel.

Selon les modalités prévues dans sa délibération n° 2022-98 du 31 mars 2022, la CRE a mis en place un mécanisme de suivi et de contrôle des modalités de restitution par les fournisseurs éligibles de l’effet de la diminution de leur coût de sourcing (liée à l’attribution de volumes additionnels à un prix de 46,20 €/MWh) dans les offres facturées à leurs clients. Conformément à la délibération de la CRE précitée, EDF a été amenée à répliquer pour ses propres offres de marché les dispositions imposées aux fournisseurs alternatifs.

Les effets de cette mesure sont ainsi principalement de deux ordres pour EDF :

  1. (i) la nécessité d’acheter ces 19,5 TWh d’électricité à 256,98 €/MWh aux fournisseurs éligibles (soit 5,011  milliards d’euros) afin de leur vendre concomitamment des volumes équivalents à 46,20  €/MWh (soit 900 millions d’euros), avec un coût net (intégrant le coût des garanties de capacités) de 4,1 milliards d’euros pour la période du 1er avril 2022 au 31 décembre 2022 ; et
  2. (ii) une diminution des prix de vente aux clients, qu’ils soient au TRVE ou en offre de marché, du fait de l’augmentation de la part relative d’ARENH par rapport au prix de marché dans l’empilement des coûts pris en compte pour le calcul des TRVE et des offres de marché. S’agissant des offres au TRVE, l’impact incrémental de la mesure sur l’exercice 2022 est limité du fait de la mise en œuvre du « bouclier tarifaire » présenté ci-dessus, qui limitait d’ores et déjà l’augmentation des TRVE, mais elle a pour effet de limiter l’écart entre le tarif gelé et le tarif qui aurait été appliqué en l’absence de bouclier tarifaire en 2022.

Dans son communiqué de presse du 13  janvier 2022, EDF avait annoncé qu’elle prendrait toutes mesures de nature à préserver ses droits en relation avec le décret du 11 mars 2022 mentionné ainsi qu’avec les 4 arrêtés qui complètent le dispositif en cause.

Cette mesure générant un préjudice très significatif pour l’entreprise, EDF a adressé à l’État en mai 2022, un recours gracieux demandant le retrait du décret du 11 mars 2022 et des arrêtés associés. L’absence de réponse de l’État dans le délai de 2 mois ayant fait naître une décision implicite de rejet, EDF a déposé le 9 août 2022 devant le Conseil d’État un recours pour excès de pouvoir contre le décret et les arrêtés associés.

En parallèle, EDF a adressé à la Première ministre une demande préalable tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de la mise en place de ce dispositif gouvernemental en cause, évalué à 8,34 milliards d’euros. L’absence de réponse de l’État dans le délai de 2 mois ayant fait naître une décision implicite de rejet, EDF a déposé le 27 octobre 2022 devant le Tribunal administratif de Paris un recours indemnitaire afin d’obtenir la réparation intégrale par l’État de ses préjudices au titre du dispositif.

Ce recours devant le Tribunal administratif de Paris vise à obtenir l’indemnisation par l’État des préjudices subis directement par EDF du fait de la mise en place du dispositif. Ces préjudices représentent un montant en principal estimé à 8,34 milliards d’euros, dont les principaux chefs sont les suivants :

  • le coût de l’opération par laquelle EDF a acheté (à un prix de 256,98 euros par MWh) puis revendu aux fournisseurs alternatifs (à un prix de 46,20  euros par MWh) des volumes d’électricité et les garanties de capacité associées dans le cadre du dispositif ;
  • les effets directs et certains du dispositif sur le niveau des tarifs réglementés de vente d’électricité (EDF étant le principal fournisseur d’électricité à ces tarifs réglementés) du fait de la méthode de calcul de ces tarifs définie par le Code de l’énergie ;
  • les effets directs et certains de la répercussion du dispositif sur le niveau des offres de marché d’EDF en application de la délibération du 31 mars 2022 prise par la Commission de régulation de l’énergie fixant les modalités de répercussion du dispositif aux clients dans les offres de fourniture.

Le 3 février 2023, le Conseil d’État a rejeté le recours en annulation déposé par EDF le 9 août 2022. La procédure indemnitaire engagée par EDF devant le Tribunal administratif de Paris pour obtenir la réparation intégrale par l’État des préjudices subis par EDF du fait du dispositif se poursuit.

S’agissant de l’ARENH attribuée au titre de l’année  2022, par sa délibération  n° 2022-287 du 10 novembre 2022, la Commission de régulation de l’énergie a fixé, en application des dispositions du Code de l’énergie (article R. 336-14 du Code de l’énergie modifié par le décret n° 2022-1380 du 29 octobre 2022), la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de demande exprimée supérieure au volume global maximal fixé pour l’année  2023 et a instauré, au vu de la crise exceptionnelle traversée par le marché de l’électricité, des contrôles renforcés et des règles exceptionnelles de prise en compte des volumes d’ARENH demandés par les fournisseurs.

Elle dispose que les filiales contrôlées par EDF seront écrêtées intégralement (à l’exception des gestionnaires de réseau qui ne le sont pas) pour les volumes conduisant à un dépassement du volume global maximal et qu’elles pourront conclure avec la société mère des contrats répliquant le dispositif de l’ARENH ainsi que les conditions d’approvisionnement, notamment le taux d’écrêtement des fournisseurs alternatifs.

Au cours de l’année 2022, la CRE a notifié à EDF la cessation de livraisons d’ARENH pour trois fournisseurs alternatifs du fait de leur liquidation judiciaire ou de la suspension de leur autorisation de fourniture. Lors du guichet de mai 2022, les volumes ARENH non livrés par EDF du fait (i) de la liquidation judiciaire de fournisseurs défaillants et (ii) de l’absence de mise en œuvre de modalités de rétrocession de la valeur aux fournisseurs de secours, ont été remis en jeu par la CRE (21,9 MWh) au guichet de novembre.

Concernant le guichet de novembre 2022, la demande des fournisseurs (hors filiales EDF et gestionnaires de réseau) pour livraison  2023 s’est élevée à 148,87 TWh. La CRE a ajusté certaines demandes à la baisse, pour un total de -  0,56  TWh ce qui fixe le niveau de demande validé par la CRE à 148,30  TWh, et a procédé à l’écrêtement des demandes de chaque fournisseur dans la limite du volume global de 100 TWh. À cela s’ajoutent les volumes cédés par EDF à ses filiales via les contrats répliquant le dispositif de l’ARENH et les souscriptions au titre des pertes réseau (26,6 TWh).

Par ailleurs, s’agissant d’une éventuelle évolution vers une nouvelle régulation du parc nucléaire d’EDF comme annoncé dans le projet de PPE publié le 25 janvier 2019, le gouvernement avait lancé, en janvier 2020, un appel à contributions sur les constats fondamentaux qui ont conduit au projet de la réforme de la régulation économique du nucléaire existant ainsi que sur ses principes de construction et de fonctionnement, projet de régulation qui remplacerait l’ARENH. Comme de nombreux autres acteurs du secteur, le groupe EDF a contribué à cette consultation, qui s’est achevée le 17 mars 2020.

La ministre de la Transition écologique et solidaire et le ministre de l’Économie et des Finances avaient confié à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) une mission relative à l’expertise des coûts supportés par l’opérateur nucléaire et à la détermination de la juste rémunération de cette activité dans le cadre de la future régulation du nucléaire existant envisagée par les autorités françaises. Depuis 2021, il n’y a pas eu de développements significatifs sur les termes et conditions d’une possible nouvelle régulation du nucléaire existant.