Document d'enregistrement Universel 2022

2.2.1 Régulation des marchés, risques politiques et juridiques

2.2 Risques auxquels le Groupe est exposé

2.2.1 Régulation des marchés, risques politiques et juridiques

2.2.1 Régulation des marchés, risques politiques et juridiques

1A : Évolutions des politiques publiques et du cadre réglementaire en France et en Europe, en particulier ARENH.

Résumé : Les politiques énergétiques publiques et la régulation des marchés en Europe, en France et plus généralement dans les pays où exerce le Groupe sont évolutives, même à bref délai et exposent ce dernier à un important risque réglementaire. Ces évolutions peuvent impacter notamment pour la France les tarifs réglementés de vente et l’ensemble des prix de détail, l’ARENH, ou les Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE), ou concerner la fiscalité applicable à l’entreprise. Elles peuvent aussi impacter le cadre régulatoire des certificats d’émission de CO2 ou les mécanismes de financement des investissements du groupe à travers la taxonomie européenne.

Les conséquences sont potentiellement considérables pour le Groupe, dans la mesure où elles peuvent freiner son développement par rapport à ses concurrents ou obérer sa situation financière et sa capacité à financer sa stratégie ou à respecter ses engagements pour la protection du climat.

Des discussions s’ouvrent à l’échelle européenne et nationale sur des évolutions de l’architecture du marché européen de l’électricité. Elles ont notamment pour but de réduire la grande dépendance des prix de détail de l’électricité à la fluctuation des prix du gaz, ainsi que de créer des conditions plus propices aux investissements amont (production d’électricité décarbonée) et aval (électrification des usages). Dans le contexte actuel de crise des prix, il existe un risque que d’éventuelles dispositions soient préjudiciables à l’entreprise.

En particulier :

  • les annonces du Gouvernement en date du 13 janvier 2022, précisées par décret du 11 mars 2022, ont imposé certaines mesures réglementaires ayant des conséquences financières significatives pour le Groupe ;
  • le cadre réglementaire actuel et la définition du cadre réglementaire futur applicables à la valorisation de la production nucléaire existante du Groupe en France pourraient être contraires aux intérêts d’EDF et mettre en risque la capacité du Groupe à mener à bien son projet industriel et, le cas échéant, le financement du projet NNF (Nouveau Nucléaire France).

Criticité : Criticité forte Forte

a) Contexte

Le contexte dimensionnant en France pour ce risque (lois, règlements, orientations politiques) est le suivant :

  • Mix énergétique : la loi fixe à 2035 l’échéance de la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité, à 40 % l’objectif de baisse de la consommation d’énergie fossile d’ici 2030 (par rapport à 2012), et prévoit d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six.
  • Le discours de Belfort du Président de la République le 10 février 2022 : le Président de la République demande à EDF de prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être sans rien céder sur la sûreté, étudier les conditions de prolongation au-delà de 50 ans en lien avec l’Autorité de sûreté nucléaire, le lancement d’un programme de nouveaux réacteurs nucléaires : construction de 6 EPR2 et lancement d’études de faisabilité pour la construction de 8 EPR2 additionnels. Il annonce également le développement massif des énergies renouvelables  : solaire (multiplication par 10 des puissances installées pour dépasser 100 GW), éolien en mer (viser 40 GW en service en 2050), éolien terrestre (puissance installée de 18,5 GW à fin 2021 sera doublée à l’horizon 2050) et l’hydraulique.
  • Le processus de révision de la SFEC (Stratégie Française Énergie Climat) a commencé en octobre 2021. Une première concertation publique, qui a donné à EDF l’occasion de s’exprimer via un cahier d’acteur, s’est tenue de novembre 2021 à février 2022. L’objectif est de publier en 2024 les textes qui composent la stratégie française : SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone), PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, avec ses deux périodes : 2023- 2028 et 2029-2033) et PNACC (Plan National d’Adaptation au Changement Climatique). Les services de Etat ont organisé - la séquence se poursuit encore en mars 2023 - des groupes de travail (pour la SNBC) et quelques 35 ateliers (pour la PPE) lors desquels EDF a exposé et continue d'exposer ses analyses et attentes. Une première version du scénario long terme qui sous-tend la SFEC a été publiée à l’été  2022 et fera l’objet d’une nouvelle version au printemps  2023. Ce scénario devra répondre à un certain nombre de contraintes ou d’hypothèses reconnues comme délicates pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (quantité d’électricité à produire, disponibilité de bioénergie, rôle quantitatif de l’hydrogène et production d’énergie de synthèse, faisabilité et acceptabilité d’hypothèses relatives à la sobriété ou l’efficacité côté demande finale…).
    Une deuxième concertation, sur le mix énergétique, a été lancée en novembre 2022. Elle inclut notamment des débats en régions. Il est prévu de déposer mi-2023 le projet de loi de programmation énergie climat, pour une adoption de celle-ci avant la fin de l’année. Les décrets PPE et SNBC pourront alors être élaborés en 2024.
  • En accompagnement du processus SFEC, le Gouvernement a pris, en fin d’année 2022, l’initiative de préparer deux projets de loi qui, sans modifier les objectifs de développement fixés par la SFEC, visent à faciliter et accélérer le déploiement de nouvelles installations renouvelables et nucléaires :
    • la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, adoptée au Parlement le 7  février 2023, a notamment pour objectif l’allègement des contraintes pesant sur le développement des différentes EnR : hydraulique, éolien terrestre, éolien maritime, photovoltaïque ;
    • le projet de loi « relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes », sera examiné par le Parlement en 2023, visant :
      • d’une part, à faciliter la construction de nouveaux réacteurs en allégeant les règles relatives au permis de construire aux règles d’urbanisme, à la loi Littoral dès lors que les nouveaux réacteurs sont installés près d’une centrale existante sera contrôlée par l’État,
      • d’autre part, à faciliter la prolongation de la durée d’exploitation des installations nucléaires actuelles en simplifiant la procédure de réexamen périodique des réacteurs de plus de 35 ans et en remplaçant la mise à l’arrêt définitif de plein droit d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans par une procédure faisant intervenir un décret de fermeture.
  • L’ARENH et le cadre de régulation du nucléaire existant  : la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a fixé à 120 TWh le « plafond de l’ARENH », dans la limite duquel le Gouvernement a la faculté de fixer par arrêté le «  volume global maximal d’électricité pouvant être cédé » par EDF aux fournisseurs alternatifs, et a introduit la possibilité d’un relèvement de son prix à 49,5 €/MWh après accord de la Commission européenne. Cependant, à ce stade, le Gouvernement a maintenu le « volume global maximal d’électricité pouvant être cédé » à 100 TWh pour 2023 et n’a, à notre connaissance, pas sollicité la Commission afin de pouvoir relever le prix de l’ARENH (1).
  • Les mesures d’urgence
    • Un fonds a été mis en place pour aider les grandes entreprises particulièrement affectées par la crise des prix doté de 3 milliards d’euros. Les critères pour bénéficier de ces aides d’État à caractère exceptionnel sont encadrés par la décision communautaire liée aux mesures d’urgence Ukraine.
    • Un «  bouclier tarifaire  »  : l’État a décidé pour 2023 de plafonner l’augmentation des TRVE à + 15 % TTC. Le manque à gagner correspondant est reconnu comme une charge de service public et fera l’objet d’une compensation pour l’entreprise pour ses ventes aux TRVE comme en offre de marché aux clients ayant droit aux TRVE.
    • Un « amortisseur » : consistant en une réduction de la part fourniture des clients excédant un prix d’exercice appliquée à une fraction des volumes livrés, est mis en place au bénéfice des PME et collectivités territoriales non éligibles aux TRVE et, partant, au bouclier tarifaire mentionné au point précédent. Deux décrets successifs ont précisé le périmètre de la mesure en janvier 2023.
    • Les mécanismes de compensation de ces mesures (bouclier tarifaire et amortisseur) sont évoqués dans le paragraphe ci-dessous « les charges etre cettes de service public ».
    • Une « Contribution sur la rente infra-marginale de la production d’électricité » : la loi de finances pour 2023 met en œuvre le règlement (UE) 2022/1854 du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie instituant une contribution, au-delà d’un plafond exprimé en prix MWh, sur les recettes des producteurs d’électricité réalisées à partir de certaines sources d’énergie primaire. Un décret précisant les modalités de déclaration et de paiement de la CRIM est en cours d’élaboration. Il est attendu avant la fin du premier trimestre 2023.
    • EDF est concernée par cette mesure sur sa production : nucléaire (hors revenus tirés des volumes d’ARENH livrés aux concurrents pour l’approvisionnement de clients finaux ou des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes), hydraulique fil de l’eau et une partie des éclusées (la production hydraulique pilotable lac et éclusée de grande capacité est exclue du dispositif), thermique à flamme (hors charbon). Alors que le règlement necouvre qu’une période expirant en juillet 2023, le dispositif français s’applique sur une période allant de juillet 2022 à décembre 2023. Sur la base de la méthode de calcul fixée par la loi et des prix de marché réalisés 2022 et prévisionnels 2023 et compte tenu des modalités de report, la taxe est estimée entre 0 et 5 milliards d’euros pour 2023. Les montants définitifs ne sont pas encore connus et sont notamment dans l'attente du futur décret.
    • L’intention de la Commission européenne et des États membres est d’utiliser la ressource ainsi dégagée par redistribution aux consommateurs afin de découpler les prix finals de l’électricité des prix du gaz.
    • Hors France, au UK, en Belgique et en Italie, des mécanismes de captation des rentes infra-marginales ont aussi été adoptés en 2022 (UK : 45 % au-delà de 75 £/MWh ; Belgique et Italie : 100 % au-delà de 180 €/MWh).
  • Les charges et recettes de service public
    • En France, les missions de service public sont assignées à EDF par la loi (notamment par les articles L. 121-1 et suivants du Code de l’énergie) qui prévoit également les mécanismes de compensation en faveur d’EDF pour ce qui est de la prise en charge de ces missions suivant une règle de compensation intégrale des charges via le budget général de l’État. Il peut toutefois exister un décalage des flux financiers d’une année sur l’autre car l’État peut accélérer ou différer la régularisation des montants versés à EDF quand les montants de charges constatés s’écartent dans un sens ou dans l’autre de la prévision.
    • La CRE a délibéré, comme chaque année, le 15 juillet 2022, sur le montant des charges de service public de l’énergie à compenser en 2023. Elle a délibéré à nouveau, le 3 novembre 2022, dans le contexte de forte hausse des prix de marché, et estimé un montant à compenser négatif de - 31,6 milliards d’euros, hors dispositifs de gels tarifaires. Ainsi, pour la première fois, ces sommes devraient être reversées à l’État par EDF au titre des missions de service public exercées par l’entreprise. Toutefois, compte tenu de la baisse significative des prix de l'électricité constatée depuis fin décembre 2022 (Cal23 à 270 €/MWh à rapprocher des 517  €/MWh retenus par la CRE dans sa délibération du 3 novembre 2022), les charges à compenser de 2023 d’EDF vers l’État sont désormais estimées par EDF à hauteur de  -14,8  milliards d’euros. Ces variations de prix de marché peuvent encore être très importantes en 2023.
    • Par ailleurs, les charges liées aux mesures d’urgence appliquées en  2023 (boucliers tarifaires, amortisseurs) n’ont pas encore pu être évaluées par la CRE dans ses dernières délibérations, puisque le principe de leur compensation n’a été introduit que le 30  décembre 2022, par la loi de finances 2023. Début février, EDF estime le montant de cette compensation (flux de l’État vers EDF) à environ 18 milliards d’euros. La CRE fournira une évaluation définitive de ce montant en mai 2023.
    • Il résulte de ces différents montants une estimation par EDF d’un flux net de compensation entre EDF et l’État dont l’ordre de grandeur à date est environ 3 milliards d’euros.
    • La loi de finances pour 2023 comporte une disposition dérogatoire qui autorise la CRE à réévaluer, en cours d’année 2023, le montant de l’ensemble des compensations. La CRE a confirmé son intention de procéder à cette réévaluation en juillet  2023. Cette réévaluation devra permettre le calage précis du flux net entre EDF et l’État pour l’année  2023. Les dispositions définitives quant à un mécanisme éventuel de neutralisation des différents flux de compensation d’ici à cette évaluation précise ne sont pas encore établies.

(1) Voir le communiqué du Gouvernement du 27 octobre 2022.