Document d'Enregistrement Universel 2021

2. Facteurs de risques et cadres de maîtrise

2.2.1 Régulation des marchés, risques politiques et juridiques

1A : Évolutions des politiques publiques et du cadre réglementaire en France et en Europe, en particulier ARENH.

Résumé : Les politiques énergétiques publiques et la régulation des marchés en Europe, en France et plus généralement dans les pays où exerce le Groupe évoluent, même à bref délai et exposent ce dernier à un important risque réglementaire. Ces évolutions peuvent impacter notamment pour la France les tarifs réglementés de vente, l’ARENH, ou les Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE). Elles peuvent aussi impacter le cadre régulatoire des certificats d'émission de CO2 ou les mécanismes de financement des investissements du groupe à travers la taxonomie européenne. Les conséquences sont potentiellement considérables pour le Groupe, et pourraient freiner son développement par rapport à ses concurrents ou obérer sa capacité à financer sa stratégie ou à respecter ses engagements pour la protection du climat.

En particulier,

  • les annonces du gouvernement français en date du 13 janvier 2022 imposant à EDF de vendre en 2022 à ses concurrents un volume complémentaire d’Arenh de 20 TWh à un prix de 46,2 euros par MW/h auront des conséquences financières significatives pour le Groupe (estimées à -10,2 milliards d’euros d’EBITDA) ;
  • le risque d’absence de réforme d’ensemble de la régulation applicable à la vente de la production nucléaire du groupe en France, ou de réforme contraire aux intérêts d’EDF est majeur pour le Groupe ;
  • le Groupe pourrait ne pas être en mesure d'atteindre le niveau d'investissement nécessaire pour les objectifs fixés par les politiques publiques en matière nucléaire.

Criticité : ●●● Forte

a) Contexte

Le contexte dimensionnant en France pour ce risque (lois, règlements, orientations politiques) est le suivant :

  • la loi énergie-climat, promulguée le 8 novembre 2019. Cette loi précise les points clés de la politique de transition énergétique et écologique en France, notamment:
    • elle fait évoluer le dispositif de l’ARENH sur deux points :
      1/ elle relève de 100 à 150 TWh le « plafond de l’ARENH » à compter du 1er janvier 2020 pour ouvrir au Gouvernement la faculté d’augmenter par arrêté jusqu’à 150 TWh le volume global maximal d’électricité qu’EDF cède aux fournisseurs alternatifs,
      2/ la loi autorise également le Gouvernement à réviser par arrêté le prix de l'ARENH (1). Voir ci-dessous les mesures complémentaires sur l’ARENH et les TRV - Annonces du 13 janvier 2022.
    • en termes de mix énergétique, la loi entérine le report à 2035 de la date d’échéance de la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité. La loi relève par ailleurs de 30 à 40 % l’objectif de baisse de la consommation d’énergie fossile d’ici 2030 (par rapport à 2012), et prévoit d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six ;
  • la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) adoptée par décret du 21 avril 2020
    • ARENH et régulation du nucléaire : La PPE prévoit que le Gouvernement propose « les modalités d’une nouvelle régulation du nucléaire existant qui permette de garantir la protection des consommateurs (…), tout en donnant la capacité financière à EDF d’assurer la pérennité économique de l’outil de production ». Les négociations engagées par l’État français début 2019 avec la Commission européenne sur la nouvelle régulation du nucléaire existant n'ont pas abouti en 2021.
      Les négociations engagées par l’État français début 2019 avec la Commission européenne sur la nouvelle régulation du nucléaire existant n’ont pas abouti en 2021.
    • la PPE s’inscrit dans l’objectif de diversification du mix énergétique et de la réduction du nucléaire à 50 % de la production d'électricité en France d’ici à 2035, qui conduirait à la fermeture de 14 réacteurs (dont les deux de Fessenheim) ;
  • autres éléments dimensionnants du contexte politique et régulatoire
    • bouclier tarifaire : Le Premier ministre a annoncé le 30 septembre 2021 la mise en place pour 2022 d’un bouclier tarifaire basé sur le principe d'une limitation à 4 % TTC de la hausse des Tarifs Réglementés de Vente (TRV) pour les clients résidentiels. Ce bouclier tarifaire a été mis en place et s'articule autour de deux dispositifs prévus dans la loi de finances pour 2022:
      • une baisse de la TICFE applicable à compter du 1er février 2022 pour tous les consommateurs, dans la limite du montant minimum légal,
      • la possibilité pour le Gouvernement, de fixer par arrêté le niveau des tarifs à un niveau inférieur à la proposition de la CRE si celle-ci était encore supérieure à 4 % en incluant le levier précédent, avec en contrepartie un rattrapage en 2023 des pertes supportées par EDF ainsi qu’un mécanisme de compensation des fournisseurs d’offres de marché. Cette possibilité a été utilisée en janvier 2022 et permet de limiter à 4% la hausse des tarifs bleus résidentiels et non résidentiels.
    • mesures complémentaires sur l’ARENH et les TRV : Dans un contexte de hausse des prix de l’électricité sans précédent, le Gouvernement a mis en place deux mesures complémentaires au bouclier tarifaire :
      • augmentation à titre exceptionnel de 20 TWh du volume d’ARENH qui sera livré en 2022, à un prix de 46,20 €/MWh.
        Les textes (décret et arrêtés) mettant en œuvre ces mesures ont été publiés le 11 mars. Le décret prévoit que pour bénéficier des volumes additionnels, les fournisseurs éligibles devront vendre à EDF un volume équivalent à celui qui leur sera cédé par EDF au titre de cette attribution supplémentaire, à un prix égal à la moyenne des cotations sur les marchés de gros enregistrées entre les 2 et 23 décembre 2021 du produit base calendaire pour livraison d’électricité en France métropolitaine continentale portant sur l’année 2022, soit 257 €/MWh. La CRE répartira les volumes additionnels d’ARENH entre les fournisseurs selon une répartition identique à celle qui avait été retenue au titre de la période de livraison ayant débuté le 1er janvier 2022.
      • extension du principe de plafonnement à en moyenne 4 % TTC de l'augmentation du TRV aux clients non résidentiels encore éligibles à celui-ci (dispositif mis en place à compter du 1er février).
        Ces éléments sont détaillés en section 1.4.3.2. « Contrats d’achat et de vente d’électricité de long terme ».
    • fourniture de secours : la fourniture de secours (reprise par un fournisseur des clients d’un fournisseur défaillant) est prévue à l'article L. 333-3 du Code de l’énergie. Elle permet au ministre en charge de l'énergie de lancer un appel à candidatures avec l’appui de la CRE. En Novembre 2021, dans un contexte de prix de marché exceptionnellement élevés et de défaillance d’un fournisseur alternatif, l’État a désigné par arrêtés, des fournisseurs de secours à titre transitoire (EDF ou ELD selon les cas). La disposition a été mise en œuvre lors de la défaillance de deux fournisseurs en novembre et décembre 2021.
    • le Paquet Fit for 55, publié par la Commission européenne le 14 juillet 2021 constitue l’un des dispositifs phare de la nouvelle Commission Européenne. Il comporte en particulier un rehaussement de tous les objectifs pour parvenir à - 55 % net de GES en 2030 par rapport à 1990 et à la neutralité carbone en 2050. Les orientations principales portent sur :
      • la révision du système communautaire d’échange de quotas d’émissions de CO2 (EU-ETS) au sein de l’UE, y compris son extension à d’autres secteurs
      • différentes propositions législatives (efficacité énergétique, énergies renouvelables, taxation de l’énergie), incluant des propositions visant à encadrer le développement de l’hydrogène (avec une définition de l’hydrogène éléctrolytique bas carbone compatible avec le mix électrique français),
      • la révision des Lignes directrices pour les aides d’État en matière d’énergie et d’environnement (LDAEE) adoptées le 21 décembre 2021, applicables à compter de janvier 2022 : elles constituent un cadre structurant pour les investissements futurs du groupe EDF."

(1) Dans sa décision du 7 novembre 2019, le Conseil constitutionnel a conditionné la légalité d’un tel arrêté à une prise en compte suffisante « des conditions économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires »