L’état d’avancement des chantiers de déconstruction est le suivant :
- Chooz A : le réacteur a été arrêté en 1991 et le démantèlement nucléaire a débuté en 2007 après l’obtention du décret de démantèlement. La dernière étape du démantèlement a commencé en 2016 avec la découpe, le conditionnement et l’évacuation des composants internes de la cuve, qui sera prolongée par le démantèlement de la cuve elle-même. Ces opérations devraient s’achever en 2024. Le décret de démantèlement prévoit qu’elles soient suivies d’une période de surveillance des eaux de ruissellement de la caverne d’une vingtaine d’années, conduisant à un déclassement de l’installation en 2047 ;
- Réacteurs Uranium – Graphite – Gaz – UNGG : arrêtées entre 1973 et 1994, ces 6 installations ont eu leur décret de démantèlement entre 2008 et 2010 (sauf Chinon A1 et A2). L’évacuation du combustible et la vidange des circuits ont été réalisées pour tous ces réacteurs et les opérations de démantèlement des bâtiments conventionnels et nucléaires périphériques aux « caissons réacteurs » sont en cours. Suite à la décision ASN de 2020, des dossiers d’autorisation de démantèlement seront remis pour tous ces réacteurs en 2022 afin d’obtenir de nouveaux décrets permettant de poursuivre les opérations de démantèlement conformément à la stratégie de démantèlement en air. L’ouverture de la partie supérieure du caisson tête de série UNGG – Chinon A2 – est prévue en 2033, les premières sorties des internes et briques de graphite sont prévues à partir de 2040 sur une période de 14 ans. En parallèle les autres sites UNGG finalisent leurs travaux et opérations de mise en configuration sécurisée (2035). Dans l’état de configuration sécurisée, 80 % des surfaces sont déconstruites et les caissons réacteurs en attente de démantèlement sont dans un état sûr permettant d’avoir progressé suffisamment sur la TTS pour en recueillir le retour d’expérience et sécuriser ainsi les 5 autres opérations. Les ouvertures des caissons suivant la TTS se positionnent à partir de 2055 ;
- Creys Malville : arrêté en 1998, la centrale a obtenu son décret de démantèlement en 2006. Les principales étapes suivantes ont été réalisées : évacuation du combustible, démantèlement de la salle des machines, vidange des circuits, transformation et élimination du sodium utilisé pour le refroidissement dans tous les circuits, mise en eau de la cuve, ouverture et retrait des bouchons de la cuve, début de découpe du bouchon couvercle cœur (pièce de plusieurs centaines de tonnes). Les prochaines étapes concernent le démantèlement des internes de cuve (fin prévue à horizon 2026), le démantèlement électromécanique dans le bâtiment réacteur, puis l’assainissement (la fin de démantèlement se situe en 2038) ;
- Brennilis : arrêtée en 1985, la centrale a obtenu un décret de démantèlement partiel en 2011 autorisant tous les démantèlements périphériques au « bloc réacteur ». Les principales étapes suivantes ont été réalisées : évacuation du combustible, démantèlement de la salle des machines, du bâtiment combustible, des bâtiments auxiliaires, des échangeurs de chaleur et de la station de traitement des effluents. Les prochaines étapes concernent l’instruction du dossier de demande de démantèlement complet en vue de l’obtention du décret de démantèlement à horizon 2022, permettant de réaliser le démantèlement du bloc réacteur (fin des opérations positionnées en 2040).
28.4 Provisions pour derniers cœurs
Cette provision couvre les charges qui résulteront de la mise au rebut du combustible partiellement consommé à l’arrêt définitif du réacteur. Son évaluation est fondée sur :
- le coût de la perte correspondant au stock de combustible en réacteur non totalement irradié à l’arrêt définitif et qui ne peut pas être réutilisé du fait de contraintes techniques et réglementaires (dite « part amont ») ;
- le coût des opérations de traitement du combustible, d’évacuation et de stockage des déchets correspondants (dite « part aval »). Ces coûts sont valorisés selon des modalités similaires à celles utilisées pour les provisions relatives à la gestion du combustible usé et à la gestion à long terme des déchets radioactifs.
Ces coûts sont inéluctables et font partie des coûts de mise à l’arrêt et de démantèlement de la tranche de production nucléaire. En conséquence, les coûts sont intégralement provisionnés dès la date de mise en service et un actif est constitué en contrepartie de la provision. Il est à noter que le Conseil d’État, dans sa décision du 11 décembre 2020, a contesté la déductibilité fiscale des conséquences de la constitution immédiate d’une provision pour démantèlement du dernier cœur (« part amont ») (voir note 14).
En 2020, suite à la mise à l’arrêt définitif de la centrale de Fessenheim, une reprise de la provision pour dernier cœur pour les 2 tranches de Fessenheim a été effectuée à hauteur de 99 millions d’euros, avec concomitamment une sortie de stock du combustible non irradié en réacteur au moment de l’arrêt, et parallèlement la constitution de provisions pour gestion du combustible usé et de gestion à long terme des déchets radioactifs relatives au traitement de ce combustible et au stockage des déchets qui seront issus du traitement.
28.5 Taux d’actualisation, d’inflation et analyses de sensibilité
28.5.1 Calcul du taux d’actualisation et taux d’inflation
Jusqu’au 30 juin 2020, le taux d’actualisation était déterminé sur base de la moyenne glissante sur 10 ans du rendement des OAT de duration aussi proche que possible de celle de la duration des engagements nucléaires (OAT 2055), à laquelle était ajouté le spread des obligations cotées de notation A à AA.
À compter du 31 décembre 2020, les modalités de calcul du taux d’actualisation ont évolué comme suit :
Le taux d’actualisation est dorénavant établi sur la base d’une courbe de taux d’intérêt. Cette courbe comprend une courbe de taux souverain, construite sur des données de marché en date de clôture pour les horizons liquides (courbe de taux OAT de 0 à 20 ans) et convergeant ensuite, en utilisant une courbe d’interpolation, vers le taux de très long terme UFR (Ultimate Forward Rate) – avec des taux qui deviennent proches du taux UFR à partir de 50 ans – à laquelle est ajoutée une courbe des spreads des obligations d’entreprises de notation A à BBB. Sur la base des flux de décaissement attendus des engagements nucléaires, un taux d’actualisation unique équivalent est déduit, par application des taux d’actualisation de la courbe de taux ainsi construite à chaque flux, en fonction de sa maturité. Ce taux d’actualisation unique est ensuite appliqué aux échéanciers prévisionnels de coûts des engagements pour déterminer les provisions.
Le taux UFR a été défini par l’autorité européenne de régulation des assureurs (European Insurance and Occupational Pensions Authority – « EIOPA ») pour les passifs assurantiels, de très long terme, présentant des décaissements au-delà des horizons de marché. Le taux UFR calculé s’établit à 3,51 % pour 2020. Il est retenu dans la méthodologie de calcul en cohérence avec la décision de l’autorité administrative qui dans son arrêté du 1er juillet 2020 modifiant l’arrêté du 21 mars 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires (voir ci-après), a fait évoluer la formule du plafond réglementaire du taux d’actualisation, en prenant désormais en référence le taux UFR, en lieu et place de la moyenne arithmétique sur les 48 derniers mois du TEC 30, la référence au taux UFR étant considérée comme plus pertinente pour les provisions nucléaires compte tenu des échéances de très long terme. La courbe de taux souverain fait ainsi ressortir des taux compris dans une fourchette de taux [- 0,6 % ; + 0,2 %] pour les flux entre 0 et 20 ans, de [+ 0,2 % ; + 3,2 %] pour les flux entre 20 et 50 ans, et avec un taux tendant vers 3,51 % pour les flux au-delà de 50 ans.
Cette évolution des modalités de calcul du taux d’actualisation permet la meilleure appréciation actuelle de la valeur temps de l’argent au regard des provisions nucléaires qui ont pour caractéristiques des flux de décaissement à très long terme, largement au-delà des horizons de marché, notamment au travers :
- de l’utilisation d’une courbe de taux d’intérêt, sur base de données de marché sur les horizons liquides observées en date de clôture, et convergeant sur les horizons non liquides vers un taux de très long terme sans effet de cycle (en lieu et place d’un taux moyen relatif à une seule duration représentative de la duration moyenne des engagements), soit des données de taux pour l’ensemble des échéances associées aux provisions nucléaires ;
- de l’utilisation d’une référence d’un taux de très long terme (UFR calculé) produit par un acteur indépendant et désormais retenu par l’autorité administrative pour la détermination de la formule du plafond réglementaire, pour la prise en compte des tendances longues sur les évolutions de taux en cohérence avec l’horizon lointain des décaissements ;
- de la modification des références des spreads d’obligations pris en compte aux entreprises de notation A à BBB permettant de construire une courbe de spread robuste, dans un contexte d’obligations de notation AA peu nombreuses en particulier pour les maturités longues, contrairement aux obligations de notation BBB qui constituent la majorité des obligations Investment Grade et sont très majoritaires sur les maturités les plus longues.