Document d’enregistrement universel 2020

6. États financiers

Pour les centrales nucléaires en exploitation (filière réacteur à eau pressurisée (REP) paliers 900 MW, 1 300 MW et N4)

Jusqu’en 2013, les provisions ont été évaluées sur la base d’une étude du ministère de l’Industrie et du Commerce datant de 1991, qui a déterminé une estimation du coût de référence de déconstruction exprimé en euros par mégawatt, confirmant les hypothèses de la Commission PEON de 1979. Ces évaluations avaient été confortées, à partir de 2009, par une étude détaillée des coûts de déconstruction réalisée par l’entreprise sur un site représentatif, soit le site de Dampierre (4 tranches 900 MW) et dont les résultats ont été corroborés par une inter-comparaison avec l’étude du cabinet La Guardia, fondée notamment sur le réacteur de Maine Yankee aux États-Unis.

En 2014, l’étude Dampierre a fait l’objet d’un réexamen par l’entreprise pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’évolutions ou de retours d’expérience récents, tant au niveau international qu’en interne, remettant en cause les chiffrages précédents. Les provisions pour déconstruction des centrales en exploitation ont alors été évaluées sur la base des coûts issus de l’étude Dampierre afin de prendre en compte les meilleures estimations de l’entreprise et les retours d’expérience en France et à l’international. Ce changement d’estimation n’avait pas eu d’impact significatif sur le niveau des provisions au 31 décembre 2014.

Entre juin 2014 et juillet 2015, un audit sur les coûts du démantèlement du parc nucléaire d’EDF en exploitation, commandité par la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC), a été conduit par des cabinets spécialisés. Le 15 janvier 2016, la DGEC a rendu publique la synthèse du rapport de cet audit. L’Administration a indiqué que, bien que l’estimation du coût du démantèlement de réacteurs nucléaires reste un exercice délicat, compte tenu du retour d’expérience relativement limité, des perspectives d’évolution des techniques et de l’éloignement des dépenses dans le temps, l’audit confortait globalement l’estimation faite par EDF du coût du démantèlement de son parc nucléaire en exploitation. L’Administration a également formulé à EDF un certain nombre de recommandations suite à cet audit.

En 2016, EDF a effectué une révision du devis de démantèlement afin de prendre en compte, d’une part, les recommandations de l’audit qui lui avaient été adressées, et d’autre part, le retour d’expérience des opérations de démantèlement des réacteurs de première génération (en particulier Chooz A).

Le travail de révision du devis a consisté en la mise en œuvre d’une démarche analytique détaillée, identifiant l’ensemble des coûts d’ingénierie, de travaux, d’exploitation et de traitement des déchets liés au démantèlement futur des réacteurs en cours de fonctionnement. Il a permis d’aboutir à un chiffrage reposant sur des chroniques détaillées de démantèlement des centrales. La démarche adoptée a permis d’approfondir l’évaluation des coûts propres aux têtes de série, estimés pour chaque palier à partir de coefficients de transposition appliqués au coût de référence de la tête de série 900 MW, ainsi que les effets de série et de mutualisation, ces coûts et effets étant en effet inhérents à la taille et à la configuration du parc.

Les natures des principaux effets de série et de mutualisation et de série retenus dans les chiffrages du devis sont explicitées ci-dessous.

Les effets de série (effet sur les sites suivants le site tête de série d’un même palier) sont principalement de deux natures différentes :

  • un premier effet provient du fait que sur un parc de même technologie, une large part des études ne doit pas être refaite à chaque fois ;
  • un second effet provient du fait que, sur un parc de même technologie, les robots et les outillages peuvent être très largement réutilisés d’un chantier à l’autre.

Les effets de mutualisation (effets entre les différentes tranches présentes sur un même site qu’elles soient en exploitation ou en démantèlement) sont quant à eux de différentes natures :

  • certains sont liés au partage de bâtiments et d’équipements communs entre plusieurs réacteurs d’un même site, qui ne sont pas à démanteler deux fois ;
  • certains coûts ne sont pas accrus si l’on démantèle 2 ou 4 réacteurs sur un même site. C’est le cas généralement des coûts de surveillance, d’équipements communs, et de maintien du site en conditions opérationnelles sûres.

Ainsi, du fait de l’effet de mutualisation, le démantèlement d’une paire de réacteurs sur un même site coûte moins cher que le démantèlement de deux réacteurs isolés sur deux sites différents. En France, à la différence des autres pays, il n’y a pas de réacteurs isolés mais des sites avec 2, 4 et dans un cas, 6 réacteurs.

Les effets de série et de mutualisation sont respectivement de 10 % et de 6 % sur le devis par rapport à un devis qui ne prendrait en compte aucun effet de série (resp. mutualisation). Ces effets varient selon les paliers, les effets seront d’autant plus importants en fonction de nombre de tranches d’un palier (effet de série) et du nombre de tranches par site (effet mutualisation), ce qui conduit à des effets sur le palier 900 supérieurs à 16 % (effets de série et mutualisation).

Les effets de série et de mutualisation, notamment, permettent d’expliquer pourquoi une simple comparaison des coûts moyens de démantèlement par réacteur entre le parc français et les parcs nucléaires d’autres pays n’est pas pertinente.

A contrario, les chiffrages n’intègrent que de façon très marginale l’évolution de la productivité et l’effet d’apprentissage. L’audit externe mandaté par la DGEC sur le coût de démantèlement du parc en exploitation avait à cet égard considéré que cette option représentait une prudence d’estimation.

Le devis intègre également, par prudence, une évaluation des risques et incertitudes de la façon suivante :

  • intégration d’incertitudes sur chaque brique « élémentaire » des coûts, sur les effets de série, de mutualisation, coefficients de transposition, et sur les frais de parc ;
  • intégration de risques, correspondant aux risques de réalisation (identifiables et chiffrables mais dont l’occurrence n’est qu’éventuelle). L’évaluation précise de ces risques est en cours sur la base de la tête de série 900 MW (Fessenheim). Dans l’attente des résultats, l’impact financier des risques et opportunités est intégré via une majoration forfaitaire.

La méthode retenue ci-dessus pour l’évaluation des risques et incertitudes aboutit à une marge globale de l’ordre de 16,5 % pour l’ensemble du parc (20 % pour la tête de série 900 MW).

La démarche ainsi mise en œuvre en 2016 et les résultats des travaux avaient été présentés à l’autorité administrative et fait l’objet de questions complémentaires et d’échanges.

Les résultats de cette démarche détaillée ont conduit, au global, à des évolutions limitées du devis et des provisions associées au 31 décembre 2016 – hors conséquences de la modification de la durée d’amortissement des centrales du palier 900 MW (hors Fessenheim) au 1er janvier 2016 et hors effet lié à l’évolution du taux d’actualisation au 31 décembre 2016 – à savoir :

  • une augmentation du devis pour déconstruction de 321 millions d’euros et une augmentation du devis pour gestion à long terme des déchets MAVL de 334 millions d’euros ;
  • et une diminution de la provision pour déconstruction de (451) millions d’euros ainsi qu’une augmentation de la provision pour gestion à long terme des déchets MAVL de 162 millions d’euros, ces deux variations ayant leur contrepartie dans les actifs sous-jacents.

Après sa révision en 2016, il a été prévu que le devis ferait l’objet d’une revue annuelle. Depuis 2017, cette revue a donné lieu à des ajustements annuels de devis non significatifs.

Par ailleurs, EDF continue à conforter ses analyses par une inter-comparaison internationale prenant soin d’identifier et de caractériser un certain nombre d’éléments pouvant fausser des comparaisons directes comme notamment les différences de périmètres des devis ou les contextes nationaux et réglementaires.

Il est par ailleurs à noter en 2020 les mouvements suivants sur les provisions pour déconstruction des centrales nucléaires en exploitation, hormis le reclassement de la provision relative à la centrale de Fessenheim en provision pour déconstruction des centrales arrêtées :

  • le périmètre de ces provisions intègre le coût de démolition des DUS (Diesels d’Ultime Secours) mis en service en 2020 dans le cadre du programme Grand Carénage, entraînant un accroissement de la provision pour 23 millions d’euros ;
  • comme précisé en note 3.1, l’adoption définitive de la PPE en avril 2020 conduit à prendre en compte dans les états financiers d’EDF l’impact de la fermeture anticipée à 2027 et 2028 de deux réacteurs par rapport à leur 5e visite décennale. À ce titre, les provisions nucléaires ont été ré-estimées en prenant en compte différents scénarios de fermeture, ce qui se traduit par une hausse de 32 millions d’euros des provisions nucléaires (dont 26 millions d’euros sur les provisions pour déconstruction des centrales nucléaires en exploitation) par contrepartie des actifs au bilan, comme annoncé dans la note 3.1 de l’annexe aux états financiers au 31 décembre 2019 ;
  • suite aux reclassements mentionnés en note 28 afin de se mettre en cohérence avec la dernière nomenclature telle qu’annexée à l’arrêté modifié du 21 mars 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires, un montant de 813 millions d’euros, correspondant aux charges relatives à l’entreposage intermédiaire et traitement des générateurs de vapeurs dans une installation centralisée, a été reclassé vers les provisions pour gestion à long terme des déchets radioactifs.