Document d’enregistrement universel 2020

6. États financiers

En 2016, EDF a effectué une révision du devis de démantèlement afin de prendre en compte, d’une part, les recommandations de l’audit, qui lui avaient été adressées, et d’autre part, le retour d’expérience des opérations de démantèlement des réacteurs de première génération (en particulier Chooz A).

Le travail de révision du devis a consisté en la mise en œuvre d’une démarche analytique détaillée, identifiant l’ensemble des coûts d’ingénierie, de travaux, d’exploitation et de traitement des déchets liés au démantèlement futur des réacteurs en cours de fonctionnement. Il a permis d’aboutir à un chiffrage reposant sur des chroniques détaillées de démantèlement des centrales. La démarche adoptée a permis d’approfondir l’évaluation des coûts propres aux têtes de série, estimés pour chaque palier à partir de coefficients de transposition appliqués au coût de référence de la tête de série 900 MW, ainsi que les effets de série et de mutualisation, ces coûts et effets étant en effet inhérents à la taille et à la configuration du parc.

Les natures des principaux effets de série et de mutualisation et de série retenus dans les chiffrages du devis sont explicitées ci-dessous.

Les effets de série (effet sur les sites suivants le site tête de série d’un même palier) sont principalement de deux natures différentes :

  • un premier effet provient du fait que sur un parc de même technologie, une large part des études ne doit pas être refaite à chaque fois ;
  • un second effet provient du fait que, sur un parc de même technologie, les robots et les outillages peuvent être très largement réutilisés d’un chantier à l’autre.

Les effets de mutualisation (effets entre les différentes tranches présentes sur un même site qu’elles soient en exploitation ou en démantèlement) sont quant à eux de différentes natures :

  • certains sont liés au partage de bâtiments et d’équipements communs entre plusieurs réacteurs d’un même site, qui ne sont pas à démanteler deux fois ;
  • certains coûts ne sont pas accrus si l’on démantèle 2 ou 4 réacteurs sur un même site. C’est le cas généralement des coûts de surveillance, d’équipements communs, et de maintien du site en conditions opérationnelles sûres.

Ainsi, du fait de l’effet de mutualisation, le démantèlement d’une paire de réacteurs sur un même site coûte moins cher que le démantèlement de deux réacteurs isolés sur deux sites différents. En France, à la différence des autres pays, il n’y a pas de réacteurs isolés mais des sites avec 2, 4 et dans un cas, 6 réacteurs.

Les effets de série et de mutualisation sont respectivement de 10 % et de 6 % sur le devis par rapport à un devis qui ne prendrait en compte aucun effet de série (resp. mutualisation). Ces effets varient selon les paliers, les effets seront d’autant plus importants en fonction de nombre de tranches d’un palier (effet de série) et du nombre de tranches par site (effet mutualisation), ce qui conduit à des effets sur le palier 900 supérieurs à 16 % (effets de série et mutualisation).

Les effets de série et de mutualisation, notamment, permettent d’expliquer pourquoi une simple comparaison des coûts moyens de démantèlement par réacteur entre le parc français et les parcs nucléaires d’autres pays n’est pas pertinente.

A contrario, les chiffrages n’intègrent que de façon très marginale l’évolution de la productivité et l’effet d’apprentissage. L’audit externe mandaté par la DGEC sur le coût de démantèlement du parc en exploitation avait à cet égard considéré que cette option représentait une prudence d’estimation.

Le devis intègre également, par prudence, une évaluation des risques et incertitudes de la façon suivante :

  • intégration d’incertitudes sur chaque brique « élémentaire » des coûts, sur les effets de série, de mutualisation, coefficients de transposition, et sur les frais de parc ;
  • intégration de risques, correspondant aux risques de réalisation (identifiable et chiffrables mais dont l’occurrence n’est qu’éventuelle). L’évaluation précise de ces risques est en cours sur la base de la Tête de série 900 MW (Fessenheim). Dans l’attente des résultats, l’impact financier des risques et opportunités est intégré via une majoration forfaitaire.

La méthode retenue ci-dessus pour l’évaluation des risques et incertitudes aboutit à une marge globale de l’ordre de 16,5 % pour l’ensemble du parc (20 % pour la tête de série 900).

La démarche ainsi mise en œuvre en 2016 et les résultats des travaux avaient été présentés à l’autorité administrative et fait l’objet de questions complémentaires et d’échanges.

Les résultats de cette démarche détaillée ont conduit, au global, à des évolutions limitées du devis et des provisions associées au 31 décembre 2016 – hors conséquences de la modification de la durée d’amortissement des centrales du palier 900 MW (hors Fessenheim) au 1er janvier 2016 et hors effet lié à l’évolution du taux d’actualisation au 31 décembre 2016 – à savoir :

  • une augmentation du devis pour déconstruction de 321 millions d’euros et une augmentation du devis pour gestion à long terme des déchets MAVL de 334 millions d’euros ; et
  • une diminution de la provision pour déconstruction de (451) millions d’euros ainsi qu’une augmentation de la provision pour gestion à long terme des déchets MAVL de 162 millions d’euros, ces deux variations ayant leur contrepartie dans les actifs sous-jacents.

Après sa révision en 2016, il a été prévu que le devis ferait l’objet d’une revue annuelle. Depuis 2017, cette revue a donné lieu à des ajustements annuels de devis non significatifs.

Par ailleurs, EDF continue à conforter ses analyses par une intercomparaison internationale prenant soin d’identifier et de caractériser un certain nombre d’éléments pouvant fausser des comparaisons directes comme notamment les différences de périmètres des devis ou les contextes nationaux et réglementaires.

Il est par ailleurs à noter en 2020 les mouvements suivants sur les provisions pour déconstruction des centrales nucléaires en exploitation, hormis le reclassement de la provision relative à la centrale de Fessenheim en provision pour déconstruction des centrales arrêtées :

  • le périmètre de ces provisions intègre le coût de démolition des DUS (Diesels d’Ultime Secours) mis en service en 2020 dans le cadre du Programme Grand Carénage, entraînant un accroissement de la provision pour 23 millions d’euros ;
  • comme précisé en note 1.3.4.2, l’adoption définitive de la PPE en avril 2020 conduit à prendre en compte dans les états financiers du Groupe l’impact de la fermeture anticipée à 2027 et 2028 de deux réacteurs par rapport à leur 5e visite décennale. À ce titre, les provisions nucléaires ont été réestimées en prenant en compte différents scénarios de fermeture, ce qui se traduit par une hausse de 32 millions d’euros des provisions nucléaires (dont 26 millions d’euros sur les provisions pour déconstruction des centrales nucléaires en exploitation) par contrepartie des actifs au bilan, comme annoncé dans la note 4.1 de l’annexe aux états financiers au 31 décembre 2019 ;
  • suite aux reclassements mentionnés en 15.1.1 afin de se mettre en cohérence avec la dernière nomenclature telle qu’annexée à l’arrêté modifié du 21 mars 2017 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires, un montant de 813 millions d’euros, correspondant aux charges relatives à l’entreposage intermédiaire et traitement des générateurs de vapeurs dans une installation centralisée, a été reclassé vers les provisions pour gestion à long terme des déchets radioactifs.

Sur la base des estimations de coûts réalisées sur les différents postes de coûts, le devis de référence à terminaison (en euros 2020) de 2 tranches TTS 900 MW (Fessenheim) s’élève à environ 0,8 milliard d’euros, soit 0,4 milliard d’euros en moyenne pour une tranche TTS 900 MW à comparer au 0,35 milliard d’euros de coût moyen pour le parc REP complet en tenant compte des effets de série et mutualisation décrits précédemment.

Pour les centrales nucléaires définitivement arrêtées

À l’exception des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (pour lesquels les provisions sont évaluées suivant les modalités du parc REP en exploitation décrites plus haut), le démantèlement des autres réacteurs à l’arrêt, représente des opérations pilotes correspondant à quatre technologies différentes et présentant des spécificités marquées : REP à Chooz A (mais inséré dans une caverne), Uranium Naturel – Graphite –Gaz (UNGG) à Bugey, Saint-Laurent et Chinon, eau lourde à Brennilis, et réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium à Creys-Malville.

Les coûts de déconstruction sont évalués à partir de devis, qui prennent en compte le retour d’expérience industriel, les aléas et évolutions réglementaires, et les dernières données chiffrées disponibles. Ils sont revus annuellement depuis 2015. En 2015, la stratégie industrielle de démantèlement des centrales UNGG a été totalement revue. La stratégie précédemment retenue reposait sur un scénario de démantèlement des caissons (bâtiments réacteurs UNGG) « sous eau », pour quatre d’entre eux, avec stockage direct du graphite dans un centre en cours d’étude par l’ANDRA (voir note 15.1.1.2.2 « Déchets FAVL »). Un ensemble de faits techniques nouveaux a fait apparaître que la solution alternative d’un démantèlement « sous air » des caissons était de nature à permettre une plus grande maîtrise industrielle des opérations et se présentait plus favorablement au regard des enjeux de sécurité, de radioprotection et d’environnement. Un scénario de démantèlement de l’ensemble des six caissons « sous air » a donc été retenu comme nouvelle référence par l’entreprise. Ce scénario intègre la consolidation du retour d’expérience après le démantèlement d’un premier caisson, avant d’engager celui des cinq autres. Il conduit au final à une phase de déconstruction plus longue que précédemment envisagée, conduisant à un renchérissement du devis du fait des coûts d’exploitation induits.