2. Facteurs de risques et cadre de maîtrise

2.2.1 Régulation des marchés, risques politiques et juridiques

1A : Évolutions des politiques publiques en France et Europe.

L’évolution des politiques énergétiques publiques et du cadre politique de la régulation des marchés dans les pays où exerce le Groupe, dont la loi énergie-climat ou la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en France, ou encore le « green deal » en Europe, est susceptible de conduire à de profondes transformations dans la gouvernance ou le portefeuille d’activités du Groupe. Celles-ci pourraient freiner le Groupe dans son développement par rapport à ses concurrents ou obérer sa capacité à respecter son engagement pour la protection du climat. Criticité compte tenu des actions de maîtrise engagées : Forte.

Le Gouvernement français a présenté, le 25 janvier 2019, un projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui établit la trajectoire des 10 prochaines années en matière de politique de l’énergie, et donc de transition écologique (voir section 1.5.1.2 « Service public en France »).

En particulier, dans ce cadre :

  • le Gouvernement français a confirmé l’objectif d’une diversification du mix électrique et d’une réduction du nucléaire à 50 % de la production d’électricité en France d’ici à 2035 : pour réduire le nucléaire à 50 % du mix énergétique, 14 réacteurs pourraient être arrêtés d’ici à 2035 (dont les deux de Fessenheim). Cela représenterait un quart des réacteurs actuellement en activité en France. La version définitive de la PPE indiquera les critères d’identification des sites des réacteurs à fermer sur la base desquels EDF fera une proposition. Il appartiendra in fine au gouvernement d’identifier les sites prioritaires ;
  • des décisions d’arrêt prématuré d’un ou plusieurs réacteurs du parc d’EDF, ne résultant pas d’un choix industriel mais d’une application de la PPE, pourraient donc intervenir. De telles décisions devraient entraîner une indemnisation d’EDF pour le préjudice subi, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision du 13 août 2015 ;
  • à cet égard, s’agissant de la centrale nucléaire de Fessenheim, EDF a adressé le 30 septembre 2019 au ministre chargé de la transition écologique et solidaire et à l’Autorité de sûreté nucléaire la demande d’abrogation d’exploiter ainsi que la déclaration de mise à l’arrêt définitif des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim, prévoyant un arrêt du réacteur n° 1 le 22 février 2020 et du réacteur n° 2 le 30 juin de la même année. Cet envoi fait suite à la signature, le 27 septembre 2019, par l’État et par EDF, du protocole d’indemnisation d’EDF par l’État au titre de la fermeture anticipée de la centrale de Fessenheim.

La loi énergie-climat a été promulguée le 8 novembre 2019. Elle précise les points-clés de la politique de transition énergétique et écologique en France et actualise les objectifs fixés par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (voir section 1.5.1.2 « Service public en France »).

En particulier :

  • en termes de mix énergétique, la loi entérine le report à 2035 de la date d’échéance de la baisse à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité, donnant ainsi un cadre légal au projet de PPE évoqué ci-dessus. La loi prévoit aussi une baisse de 40 % de la consommation d’énergie fossile par rapport à 2012 d’ici 2030 (contre 30 % précédemment), ainsi que la neutralité carbone en 2050, en divisant les émissions par un facteur supérieur à 6 ;
  • elle met en place un dispositif visant à limiter à partir du 1er janvier 2022 le niveau d’émission de CO2 des installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles, dans le but de conduire à la fermeture des centrales charbon d’ici 2022 ;
  • elle met en place une révision du dispositif de l’Arenh pour donner au Gouvernement la possibilité d’augmenter par arrêté le volume global maximal d’électricité qu’EDF peut céder aux fournisseurs alternatifs de 100 à 150 TWh (« plafond ARENH ») à compter du 1er janvier 2020. La loi autorise également le Gouvernement à réviser le prix de l’Arenh, sans qu’il soit établi de lien direct entre augmentation du prix et augmentation du plafond. Le Gouvernement n’a toute fois pas mis en œuvre ces possibilités fin 2019 ;
  • elle précise aussi la procédure concernant le Plan Stratégique d’Entreprise (PSE), qui devra porter sur les deux périodes de la PPE, être rendu public à l’exclusion des informations relevant du secret des affaires, et présenter les dispositions d’accompagnement mis en place pour les salariés du fait de la fermeture de centrales nucléaires ou thermiques. En cas d’incompatibilité du PSE avec la PPE, la loi prévoit une mise en demeure suivie, le cas échéant, de sanctions.

Le cadre juridique européen, qui organise notamment la libéralisation du secteur de l’énergie et les politiques climatiques et énergétiques, a sensiblement évolué en 2019 avec la finalisation du Paquet Énergie Propre et reste susceptible d’évolutions dans le futur, notamment au travers du « Green deal », dispositif phare de la nouvelle Commission européenne, susceptible de comporter des dispositions clés pour le secteur énergétique en général et le groupe EDF en particulier.

Le Green Deal, selon la présentation faite par la Présidente de la Commission européenne au Parlement européen en décembre 2019, acte de l’objectif de neutralité climatique pour l’UE d’ici 2050, et comporte des mesures telles que :

  • la révision du système communautaire d’échange de quotas d’émissions de CO2 (EU-ETS) au sein de l'UE et un prix plancher du carbone pour faire émerger un prix significatif et prévisible du CO2 ;
  • la mise en place d’une « taxe carbone » (mécanisme d'inclusion carbone) aux frontières de l'UE ;
  • la révision de la directive taxation énergie, qui devrait aboutir à un traitement fiscal préférentiel pour des solutions bas carbone telles que l’électricité ou l’hydrogène sans CO2.

Les évolutions relatives à la taxonomie européenne pour la Finance durable sont également à considérer. Leur cohérence avec l’objectif de neutralité carbone à long terme est un élément clé pour orienter les investissements. Il existe un risque que le nucléaire soit exclu de la taxonomie, ce qui serait préjudiciable à la lutte contre le dérèglement climatique.

Ces évolutions pourraient être défavorables au Groupe et obérer sa capacité à respecter son engagement pour la protection du climat. Elles pourraient notamment entraîner des coûts supplémentaires, ne pas être en adéquation avec les objectifs de développement du Groupe, modifier le contexte concurrentiel dans lequel le Groupe opère, modifier le niveau des tarifs régulés ou affecter la rentabilité des unités de production actuelles ou futures ou de tout autre activité du Groupe. De manière générale, le dispositif législatif et réglementaire mis en place en France, en Europe ou dans les pays où EDF est présent est susceptible d’avoir un impact important sur les résultats du Groupe ou sur son modèle d’activité.

Par ailleurs, dans la gouvernance ou la délimitation de son périmètre d’activité qui pourraient lui être imposés, EDF pourrait être affecté par une limitation ou une perte de contrôle de certaines décisions stratégiques et opérationnelles pouvant avoir un impact défavorable sur les perspectives et la rentabilité de ses différentes activités (voir section 1.5 « Environnement législatif et réglementaire »). Parallèlement, EDF pourra continuer, en sa qualité d’actionnaire, à supporter certains risques, aux responsabilités éventuelles vis-à-vis des tiers et aux éléments pouvant affecter la rentabilité des actifs. Enfin, les autorités compétentes ou certains États pourraient, en vue de préserver ou de favoriser la concurrence sur certains marchés de l’énergie, prendre des décisions contraires aux intérêts économiques ou financiers du Groupe ou impactant son modèle d’opérateur intégré.

Enfin, dans le domaine des énergies renouvelables, EDF s’appuie principalement sur sa filiale EDF Renouvelables (voir section 1.4.1.5.4 « EDF Renouvelables »), implantée dans de nombreux pays. La rentabilité de ces développements est souvent dépendante des politiques de soutien et d’appels d’offres mis en œuvre dans les différents pays. Le Groupe ne peut garantir que ces politiques n’évolueront pas dans certains de ces pays au détriment de la rentabilité des investissements.

1B : Évolution du cadre réglementaire (ARENH, TRV, réglementations environnementale et SNBC).

Une partie importante des revenus du Groupe provient d’activités régulées. Ainsi, toute évolution des tarifs réglementés de vente, de l’ARENH ou des Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE), ou toute évolution de la régulation des émissions de gaz à effet de serre et ses conséquences en matière de prix des quotas d’émissions de CO2, serait susceptible d’affecter la rentabilité du Groupe et sa capacité à répondre aux enjeux de la transition énergétique en développant des solutions énergétiques bas carbone pour la protection du climat.

Criticité compte tenu des actions de maîtrise engagées : Forte.

En France, une partie importante des revenus du groupe EDF dépend de tarifs réglementés fixés par les pouvoirs publics ou les autorités de régulation (Tarifs Réglementés de Vente TRVE, Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics de transport et de distribution d’Électricité TURPE). La loi NOME a également mis en place un Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH), au bénéfice des fournisseurs d’électricité concurrents d’EDF (voir section 1.5 « Environnement législatif et réglementaire »).